samedi 27 octobre 2007

La micro revue de presse

La micro revue de presse sélectionne un seul événement dans trois journaux différents (national, régional, sportif...) et vise à comparer les articles, à les confronter et à mettre en évidence les similitudes et les divergences.

La liberté de la presse est l'un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques qui repose sur la liberté d'opinion, la liberté mentale et d'expression.

Article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (déclaration française) : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

En France, les journaux bénéficient de la liberté de la presse et peuvent en conséquence rapporter des faits tout en exprimant librement des idées politiques différentes. Ces idées n'entrent généralement pas en conflit avec celles du ou des propriétaires des journaux en question même si les journalistes/éditorialistes s'expriment librement.
Ainsi il est utile de savoir que Le Figaro appartient à Serge Dassault (sénateur UMP, concepteur et producteur de l'avion militaire Dassault Rafale, entre autres activités), que Libération (fondé par Jean-Paul Sartre) a aujourd'hui pour principal actionnaire le baron Edouard de Rothschild, ami de Nicolas Sarkozy et fondateur d'une banque d'affaires, que le journal Les Echos est sur le point d'être racheté par Bernard Arnault, plus grosse fortune de France et accessoirement témoin du mariage de Nicolas Sarkozy et que L'Humanité, journal communiste fondé par Jean Jaurès voit, fait anecdotique mais amusant, un cinquième de son capital appartenir à la Société Humanité investissement pluralisme, dans laquelle on retrouve Hachette, TF1 via sa filiale Syalis et la Caisse d'épargne.
On constate également une érosion du lectorat de la presse quotidienne. La diversité actuelle de l'offre en termes de diffusion d'informations (Tv, radio, Internet) est certainement la principale cause de cette évolution.

Dans cet exercice, il me semble important de ne pas trop insister sur les tendances politiques des différents journaux mais plutôt de faire ressentir celles-ci dans les observations et les comparaisons que vous ferez entre les articles des dits journaux. Autre point, l'absence de traitement d'une information est également une information.
Voici à présent la micro revue de presse présentée vendredi 19 octobre.

Veille de grève nationale

Nicolas :
Comment le sujet de la grève du 18 octobre a-t-il-été traité dans les journaux parus le 17 octobre ?
En effet, à la veille d'un pareil événement, les rédactions se doivent de préparer le terrain, d'exprimer les inquiétudes des uns et des autres tout en donnant la parole aux différents acteurs. Voici en tout cas un fait de société majeur puisqu'il nous concerne tous à une échelle ou à une autre.

Mathieu :
Cela, les journaux ne l'ignorent pas. Que ce soit l'Humanité, les Echos, le Figaro ou encore l'Est Republicain, tous ces quotidiens ont évoqué dans leur édition du 17 octobre le rendez-vous du lendemain. On peut également constater qu'ils mettent en oeuvre les moyens qui s'imposent pour relayer l'opinion, dire clairement ce que pensent les français à quelques heures d'un tel rendez-vous. Ainsi pour l'Humanité, la tendance est nette: « 54% des Français soutiennent la grève !». Le titre, qui n'est accompagné d'aucune illustration, prend quand même ¼ de la Une.

Nicolas :
Pour le quotidien le Figaro, il n'y a pas non plus d'ambiguïté : « Une large majorité des français sont contre la grève ». C'est en tout cas le gros titre qu'on retrouve à la Une du journal, qui précise par ailleurs que 55 % trouvent le mouvement de grève injustifié.

Mathieu :
On pourrait appeler ça la magie des sondages. En revanche, l'Est Republicain préfère visiblement le pragmatisme aux sondages d'opinion : on ne trouve en première page du quotidien régional qu'un unique encart de quelques lignes consacré à ce sujet d'actualité : on y apprend que seulement 46 TGV sur 700 doivent circuler le jour de la grève sur les voies ferrées du réseau français. On ne retrouve à l'intérieur du journal qu'un court article donnant des précisions sur les perturbations prévues au niveau régional.

Nicolas :
Toujours le 17 octobre, Les Echos, le Quotidien de l'économie consacre une partie plus conséquente de sa une à l'événement : un quart de page est utilisé pour nous annoncer que « l'épreuve de force commence ». Le journal parle bien sûr de la mobilisation autour de la réforme des régimes spéciaux de retraite.

Mathieu :
Une mobilisation dont on ne sous-estime visiblement pas l'importance puisque le ministre du travail lui-même a été le premier dimanche soir à la prévoir. Claude Cabanes, rapporte dans l'éditorial de l'Humanité les propos tenus par Xavier Bertrand : « Cette grève sera forte, ce mouvement sera très fort, il ne devrait quasiment pas y avoir de bus, de train ou de métro ». Pour le journaliste, le message est clair : « le 18 octobre et ses prolongements pourraient offrir l'occasion à Mr Sarkozy d'apparaître pour ce qu'il rêve d'être : le briseur du mouvement social français : Thatcher en pantalon. »
Dans un autre article signé Dominique Bègles, on s'étonne de voir un pouvoir en place faire la promotion d'un mouvement social contre ses projets. Une question est également posée : « Le gouvernement souhaiterait-il un conflit qui dure pour mieux asseoir la pédagogie de l'inutilité des luttes, l'idéologie du 'on ne peut pas faire autrement' ?»

Nicolas :
Autre editorial et autre point de vue dans le Figaro : Paul-Henri du Limbert parle d'un moment de vérité pour les retraites. Selon lui, le problème des régimes spéciaux, c'est qu'ils sont devenus un peu trop spéciaux. Désormais, leur singularité choque, et c'est l'un des atouts du gouvernement. Il ajoute : le résultat des scrutins du printemps montre que les Français ont été sensibles à ce langage de vérité. Paul-Henri du Limbert a également une idée sur la façon dont doit se comporter le président de la République. « Il est », je cite, « dans l'obligation de passer l'obstacle : renoncer en chemin ruinerait le concept de rupture si âprement défendu pendant la campagne électorale. En revanche, s'il franchit l'écueil, le symbole sera spectaculaire. Il aura prouvé que la France n'est pas ce vieux pays rétif, spectateur de lui-même, et qui a fait du renoncement une règle de vie. »

Globalement, le mouvement social n'a pas bonne presse dans le Figaro puisque le journal insiste en page économie sur le caractère impopulaire de cette grève massive. Une nouvelle fois, la rédaction fait référence au sondage BVA réalisé pour le Figaro et LCI pour rappeler que les français soutiennent nettement le projet de loi du gouvernement et désapprouvent la grève. Une page plus loin, le journaliste Philippe Goulliaud enfonce le clou. Il rappelle qu'une majorité de français estime que la grève n'est pas justifiée. Selon lui, c'est une bonne nouvelle pour le gouvernement, qui est par ailleurs jugé plus moderne et plus proche des préoccupations que les syndicats. Un sondage très détaillé développé sur une demi-page vient étayer ces propos. Petite précision: celui-ci a été réalisé les 12 et 13 Octobre par téléphone sur un échantillon représentatif de 959 personnes.

Mathieu :
Le sondage de l'Humanité est un peu plus ancien puisqu'il a été réalisé le 10 octobre.. En revanche, il concerne un échantillon un peu plus important puisque 1003 personnes âgées de 18ans et plus ont été interrogées par téléphone. Dans ce quotidien, on constate une abondance d'articles et de point de vue sur le sujet: le côté humain de l'évènement est mis en avant. En page 3, le titre est éloquent: « Pourquoi participeront-ils, demain, à la journée de mobilisation? » Paule Masson et Dany Stive ont recueilli les témoignages de plusieurs personnes appartenant à de grands groupes français (EDF, LaPoste, L'Education Nationale et la SNCF):

Citons un agent d'EDF qui se pose cette question: « Bosser jusqu'à 45 ans? et plus? » et constate pour appuyer ses inquiétudes que « [...]les tests ADN n'étaient pas au programme... »
Autre témoignage : un professeur de mathématique (L'Education Nationale) analyse que « Le gouvernement cherche à aligner tous les systèmes de retraite au plus bas niveau, et de pousser à la retraite par capitalisation. » et s'interroge sur « l'avenir de l'école en question. »
Enfin, un agent de la SNCF énonce ses craintes en déclarant que « les attaques gouvernementales mettent en avant les retraites mais c'est l'ensemble du contrat social qui est remis en cause... »

Nicolas :
Autre aspect développé : le choix à faire dans l'avenir en matière de transport. La journaliste Laurence Chavance présente dans Le Figaro la région parisienne comme un champ de bataille entre opposants et partisans de la voiture : On apprend ainsi que les grandes entreprises et l'Etat s'opposent au Conseil Régional de l'Ile de France qui mise sur les transports en commun dans les 25 prochaines années. Laurence Chavance nourrit alors cette réflexion : Les franciliens qui seront condamnés jeudi à la marche à pied mais les autres jours aux bus, metros et RER saturés auront jeudi tout loisir pour réfléchir aux modes de déplacement des années à venir.
Le journal nous apprend ensuite que pour les grandes entreprises, la réflexion est déjà bien avancée. Si les transports en commun doivent être développés, c'est sans s'opposer à la voiture car ces deux modes de transport ne sont pas interchangeables.

Mathieu :
On s'intéresse un peu plus aux acteurs de la grève dans les Echos. Ainsi l'article de Lucile Chevallard et Lucie Robequain nous les présente en détail en donnant leurs revendications aux vues des principales réformes sociales du moment :
l'ANPE et sa fusion avec les impôts, la suppression d'emploi dans l'éducation nationale, la modération salariale à la Poste, le système de retraite pour les régimes spéciaux... Nombreux sont les secteurs touchés par cette grève annoncée de 24 heures. En attentant donc de négocier avec le gouvernement...

Nicolas :
Dans le Figaro Fabrice Amadeo revient lui sur le service minimum. La loi qui l'instaure n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2008. Le journaliste se demande alors ce qui aurait changé si la loi avait été appliquée jeudi. Hé bien pas grand chose en fait... car le texte voté ne contraint pas les entreprises à instaurer un service minimum. La loi oblige seulement les syndicats à négocier avec la direction de leur entreprise avant de déposer leur préavis de grève.

Mathieu :
En attendant, rien ne semble pouvoir empêcher un jeudi noir. Cette expression est reprise à l'intérieur du journal Les Echos qui rappelle que les cheminots et les électriciens promettent une grève massive avec à la clé des TGV et des transports publics paralysés. Le journal n'oublie pas que la mobilisation touche aussi d'autres services publics et le fameux « Jeudi noir » pourrait influer sur d'autres pans de l'économie française, certains salariés du privé comme du public se joignant au mouvement pour exprimer leurs inquiétudes ou bien posant un jour de RTT pour éviter les conséquences de la grève.

Nicolas :
En définitive, on peut dire que les journaux parus le 17 Octobre remplissent leurs cahiers des charges respectifs. L'humanité traite l'événement sur le registre social, idéologique, voire philosophique. les Echos s'attachent à développer les conséquences économiques d'une telle mobilisation, nombreux chiffres à l'appui. l'Est Republicain joue son rôle de proximité en n'abordant le blocage que sous un angle pragmatique et en donnant des pistes aux lecteurs pour qu'ils ne perdent pas leur temps le lendemain à attendre des transports en commun non assurés. Enfin, le Figaro, développe dans ses articles un argumentaire soutenant les actions du gouvernement.

Alors depuis, la grève a eu lieu et comme annoncé, jeudi a été une journée noire dans les transports un peu partout en France. D'ailleurs, celle-ci a été reconduite et l'on peut noter de nombreuses perturbations ce vendredi. Mais surtout, cet événement aux conséquences lourdes pour de nombreux français a été légèrement éclipsé dans les média par le divorce de Nicolas et Cecilia Sarkozy. Alors que le Président de la République est confronté à son premier rendez-vous de la rue, les rédactions se focalisent sur cette séparation qui relève de la sphère privée. Néanmoins, notons tout de même que Le Figaro titre encore aujourd'hui à la une que « 67 % des Français souhaitent que le gouvernement ne cède pas ».
Tandis que l'Humanité annonce, photo de manifestation à l'appui : « REFORME DES RETRAITES: UN REJET FRANC ET
MASSIF. » En définitive, restez vigilants.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Interesting to know.